Introduction
Voici une retranscription de la préface du Traité sur les feux d’artifices de 1707.
« Préface où l’on voit l’origine des Feux de Joye et le dessein de cet ouvrages. De tous les spectacles qui ont été inventez jusqu’ici, pour servir aux réjouissances publiques, il n’en est point de plus beau que les Feux de joye, … Le feu est déjà de lui-même un des êtres d’ici-bas qui a le plus de quoi nous charmer. Il flatte tellement nos sens, par sa lumière et sa vivacité, que lorsqu’on veut marquer ce qui nous touche et nous fait le plus de plaisir, on dit qu’il y a du feu. C’est ainsi qu’on s’exprime à tous momens sur les couleurs, les actions, les pensées et les esprits mêmes. Il a encore dans le feu un je ne sais quoi de grand, dont les anciens ont été si touchez, qu’ils ont feint qu’il avoit été apporté du Ciel ; que plusieurs peuples l’on adoré comme Divinité, et plusieurs nations en ont fait la marque des Souverains… Si à tous ces avantages du feu on ajoute encore ceux qu’il peut tirer les secours de l’Art, on ne sera pas surpris que les Feux de joye soient regardez comme les spectacles les plus propres aux réjouissances publiques… la coutume que nous avons de faire de ces Feux après quelques fameux exploits de guerre,… On peut dire que ces cérémonies ont passé jusques dans la Chrétienté ; car les paysans, dans la campagne, et le peuple dans les Villes, s’assemblent le jour de la Saint-Jean, pour faire des feux, autour desquels ils sautent et dansent en signe de réjouissance… »
Date
Dans la tradition, les feux de la Saint-Jean sont allumés lors du solstice d’été dans l’hémisphère Nord. Ils reprennent dès lors des traditions païennes christianisées.
Symboles
Le feu symbolise le Soleil mais aussi la chaleur, la lumière et la nature incontrôlable.
Origines
Les premiers feux allumés lors du solstice d’été sont attestés dès l’apparition des civilisations au Moyen-Orient (Syrie entre autres). Ces traditions se sont répandues, par la suite, dans toute l’Europe. La population invoquait la divinité solaire pour que cette dernière, au sortir de l’hiver, amène sa lueur et sa chaleur afin d’apporter bonne fortune aux récoltes. Il est d’ailleurs symptomatique de remarquer que l’association du feu, du soleil et d’une divinité a été légion dans toutes les parties du monde durant l’histoire.
L’assimilation de ces feux par les Chrétiens
Les feux de la Saint-Jean peuvent être mis en corrélation avec les feux de carême ou appelés plus scientifiquement Quadragésime. Lors de la propagation du christianisme, les rites païens ont été assimilés, associés, fusionnés avec les usages chrétiens. Dès lors, il en résulte un vestige de la mythologie solaire assimilé aux traditions chrétiennes. Nous pouvons remarquer quatre cycles dans la circonvolution de la terre autour du soleil. Ceux-ci sont les solstices d’été et d’hiver et les équinoxes de printemps et d’automne. Chacun d’eux étaient l’occasion de faire la fête.
C’est ainsi que le jour de la naissance du Christ aurait été choisi à partir du IIIe siècle le jour de la fête des divinités « Sol Invictus » et « Mirthra » . En tant que divinité solaire « Sol Invictus » était célébré le lendemain du solstice d’hiver, à savoir le 25 décembre.
L’autre solstice, celui d’été, est dédié à la naissance de Saint Jean-Baptiste. Il est d’ailleurs reconnu que c’est un progrès pour le jour et qu’il grandit lors de la naissance du Christ et inversement le jour diminue et s’affaiblit lors de la naissance du dernier des prophètes .
Pour l’équinoxe de printemps, la fête religieuse qui y est rattachée est celle de la chandeleur reconnue comme la présentation du Christ au temple de Jérusalem. Elle a comme objectif de faire disparaitre les fêtes connues dans nos régions sous la dénomination d’Escouvion, d’Alion, des brandons, … . Actuellement lors de la chandeleur la tradition veut que l’on mange des crêpes. La forme de cette dernière aurait d’ailleurs été choisie car elle représente un disque solaire. La relation va encore plus loin si l’on met en relation le souhait de prospérité que l’on fait en lançant une crêpe et à la bonne récolte future.
En ce qui concerne l’équinoxe d’automne, le syncrétisme entre une fête païenne existante dédiée à la fin des moissons et des récoltes avec une fête chrétienne échoua. Seules quelques communautés fêtent ce jour là Saint-Michel ce qui est étonnant sachant qu’il correspond, dans le calendrier Julien, à la naissance de la Vierge. Dès lors nous pouvons nous demander si la mise en place du calendrier grégorien au XVIe siècle n’aurait pas fait diminuer la diffusion de cette fête.
La pérennité des feux dans nos régions
Au fil de la christianisation, le clergé essaya de faire disparaitre les fêtes païennes en les interdisant. Suite à la diffusion du christianisme et à son impact grandissant, les fêtes en l’honneur du solstice d’été furent peu à peu dédiées à Saint-Jean. Les feux, dédiés au Seigneur, symbolisé par le Soleil, ont comme objectif de le remercier pour les récoltes futures ou recueillies. Dès lors, nous pouvons nous poser la question de leur présence au sein de la ville. Fête de paysans, elle reste pourtant populaire dans les milieux urbains, tel est le cas à Mons jusque, vraisemblablement, à la moitié du XIXe siècle.
Organisation
Les feux, de toute nature que ce soit, sont crées à partir des restes de bois, de paille, de déchets organiques, … amassés par les habitants. Les lieux de rassemblement se situaient devant les églises, sur les places publiques ou encore sur les carrefours importants. Une fois la nuit close, les habitants se rassemblaient autour et boutaient le bûcher. Par la suite les habitants dansaient et chantaient en tournant autour du feu. Certains sautaient au dessus du feu car selon la croyance cela permettait d’éviter les maladies. Aussi, un coq et parfois un chat étaient brulés vifs au sein du feu. Cette coutume aurait été rapidement abandonnée et remplacée par la décapitation d’un coq rouge dont la tête était conservée comme moyen de préservation contre la foudre . Lors de ces fêtes, il était aussi coutume de crier « vive Saint-Jean », « vive l’été ». Les restes du bûcher étaient ramassés par la population car ils permettaient, à l’instar de la tête de coq, de se préserver contre la foudre et des vertus curatives leur étaient attribués. Suite à l’introduction de la poudre à canon et des feux d’artifices, il devient coutume de les utiliser lors des feux . Dès lors, les feux d’artifice n’auraient-ils pas remplacé les bûchers et rendu ces derniers moins populaires?
Les feux de la Saint-Jean à Mons
Aucune recherche historique complète n’a été faite sur les feux de la Saint-Jean à Mons, seuls quelques articles furent rédigés à ce sujet. Les informations les plus courantes proviennent du Congrès archéologique de Mons de 1894 où une présentation évolutive des feux de la Saint-Jean fut réalisée :
“À Mons, lors de fêtes de la Saint-Jean et de la Saint-Pierre, dans les quartiers populaires, on allumait de grands feux de joie, autour desquels jeunes gens et jeunes filles dansaient en chantant. La rue où se célébrait la fête était décorée de guirlandes, de couronnes appelées « carillons », parce qu’on y attachait des pendeloques en verroterie que le vent agitait et faisait tinter. Pendant la matinée du jour de la fête, les enfants du quartier allaient de maison en maison réclamer du bois pour alimenter le feu. L’un d’entre eux, la figure noircie, était porté par les autres. Ils chantaient ce refrain : “Lariguette au bo, lariguette et larigo, Saint-Jean a queiu dins l’ puch’, Saint-Pierre l’a attrapé, Il faut du bos pou l’ récauffer, Lariguette !” Les feux de Saint-Jean furent abolis par un décret départemental du 2 prairial de l’an VI. Le rétablissement de la liberté religieuse restaura les anciennes coutumes (1801) : les feux de la Saint-Jean se rallumèrent partout dans nos carrefours. Mais, décidément, l’heure de leur extinction était marquée. En 1821, sous prétexte des dangers auxquels ils exposaient les poudrières de la ville, ils furent définitivement interdits. Désormais, les gens de Mons se contentèrent de dresser sur une table ou une chaise, au milieu des rues, des pyramides de chandelles allumées. Enfin, vers 1870, s’éteignirent pour jamais ces tristes feux sans vie et sans joie, survivance épuisée d’une tradition tant de fois séculaire”
Ces fêtes sont ainsi fortement similaires à ses voisines boraines : l’Escouvion, l’Alion et le feu de Saint-Pierre.
Corentin Rousman
Archiviste de la Ville de Mons
28/11/2010
Bibliographie sommaire
FREZIER, Traité des feux d’artifices, La Haye, 1761.
HUBLARD (É.), Fêtes du temps jadis. Les feux de carême, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, t. XXIX, 1899 – 1900.
JOURET (M.-G.), Histoire de Mons et du pays de Mons, Mons, 1910, p. 51.